Les Statuts et la gouvernance du Hameau de Brangoulo sont en pleine réforme. Partie d’un modèle structurellement horizontal, notre gouvernance fait face à des principes de réalité qui nous amènent à nous éloigner de ce modèle, pour aller vers moins d’idéologie et plus d’agilité. S’insprirant de la sociocratie, de l’holacratie, mais également de la do-ocratie, nous déployons un modèle qui n’en rejette aucun autre « par principe » : nous composons, au service des humains qui portent Brangoulo. Nous mettons la politique au service des usagers, et non l’inverse.
Des besoins actuels bien identifiés
Un bien collectif
Je vous en parlais il y a maintenant plus d’un an (consulter l’article en question) : Brangoulo est un projet de bien collectif que les usagers font vivre et évoluer selon leurs besoins. Le lieu est autogéré, ses usagers responsables de sa pérennité. Pérennité d’un modèle d’organisation humaine, et pérennité d’un modèle économique, respect du contrat de départ : construire ensemble un lieu résilient.
Des usagers aux commandes
Pour prendre des décisions, nous devons être bien informés, atteindre un niveau suffisant de maîtrise des sujets ou bien déléguer la prise de décision à des experts de confiance. Dans tous les cas il s’agira d’usagers voire de résidents avisés de Brangoulo.
Limiter la spéculation tout en valorisant la contribution
Nous demandons aujourd’hui à ceux qui nous rejoignent de prendre des parts de la Société Civile Immobilière qui possède Brangoulo. Prendre des parts, c’est devenir copropriétaire et partager la responsabilité de cette propriété : maintenir en état voire augmenter la capacité d’accueil de Brangoulo. Cette Société va prendre de la valeur, non seulement en suivant la même inflation que n’importe quel bien immobilier, mais surtout en se reconstruisant par la contribution de ses occupants-propriétaires.
Prendre des parts aujourd’hui à Brangoulo c’est se donner l’opportunité de revendre ses parts à une plus forte valeur. On ne parle pas de spéculation (le pari qui consiste à miser sur une valeur), mais bien de valorisation des efforts fournis pour reconstruire un lieu. On se heurte à deux notions possiblement contradictoire : empêcher la spéculation et valoriser les contributions fournies. Un enjeu de taille.
S’assurer un avenir si on quitte Brangoulo
L’une des préoccupations des habitants qui choisissent d’investir leur temps et leur argent dans le projet, c’est de ne pas se trouver démunis s’ils font le choix de le quitter. Si par exemple, au lieu d’investir dans un appartement de 30m2 à Guidel, un habitant choisi de mettre cet argent dans la SCI pendant la durée de sa vie au hameau, nous souhaitons qu’il puisse acheter l’équivalent à sa sortie du projet, même si avec la spéculation immobilière, cet appartement coûte désormais le double.
Face à nous un dilemme : la volonté d’un projet qui s’autonomise en créant de la richesse (remboursant des dettes de l’entreprise grâce à ses bénéfices issus de loyers) et la volonté de ne pas faire porter un poids de loyers à des résidents qui sont aussi financeurs et moteurs du développement de la Société. Et si un curseur intermédiaire existait ?
Une stratégie adaptative et itérative
Brangoulo n’a pas d’objectifs idéologiques, à savoir suivre un modèle « rêvé » qui ne nous satisferait pas dans nos tripes.
A ce jour, les écarts d’engagement, de prise de risque, de prise de responsabilités dans ce projet sont tels qu’une totale horizontalité dans sa gouvernance n’est ni souhaitée ni souhaitable. Aussi, nous adaptons le modèle de gouvernance aux habitants actuels de Brangoulo, pour que ce lieu soit bien vécu par tous, ce qui est notre objectif principal, indépendamment de toute idéologie. La politique au service de l’humain et non pas l’humain au service d’une politique. Les besoins exprimés nous ont conduit à des choix stratégiques que nous détaillons ici. Ces derniers évolueront sans doute dans le temps pour s’adapter aux besoins des humains qui font Brangoulo.
Un capital grand ouvert
Pour répondre au besoin de protéger ce projet des tentations spéculatives, nous avons décidé que le Capital Social de la SCI Le Hameau de Brangoulo devrait suivre sa valeur sur le marché. Plutôt que de faire grossir les parts de Brangoulo à mesure de son développement, nous augmenterons le nombre de parts. Nous tâcherons de permettre toutefois un maintien de la valeur immobilière des parts, afin que chacun puisse repartir avec la même capacité d’accès au logement.
Des associés soutenant les besoins de financement, mais sans tous les pouvoirs
Ouvrir le capital c’est permettre une asymétrie dans la propriété de la SCI. Il y aura, contrairement à ce que les statuts initiaux de la SCI bridaient, une possibilité que certains détiennent plus de parts. Ce n’est pas un problème puisque :
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- Nous avons besoin de fonds pérennes pour restaurer des bâtiments et loger les usagers de Brangoulo ;
- Il est possible de brider le pouvoir donné aux actionnaires ;
- Nous avons besoin de faire augmenter le capital pour limiter la spéculation (l’augmentation de la valeur des parts à mesure que le gâteau grossit sans augmenter le nombre de parts… vous me suivez ?).
Capitaliser plutôt que payer des loyers
Pour permettre à tous une montée au capital, nous avons décidé de diminuer la pression mensuelle exercée sur chacun en diminuant le montant des loyers et indemnités à fonds perdus. Ainsi, les associés ayant moins de parts ont la capacité d’allouer un partie de leur budget mensuel dans l’acquisition de parts. Nous passons d’une logique de « locataire » à une logique de « propriétaire » qui alloue son budget à l’acquisition et à la valorisation de son bien. Cette logique permet de sécuriser les résidents-investisseurs tout en générant de la trésorerie pour permettre au projet de créer de la surface habitable.
Ce système offre une porte de sortie puisqu’à l’image du modèle d’Ecoravie, la SCI peut racheter les parts du sortant s’il n’a pas de repreneur, grâce à une épargne dédiée.
Une gouvernance par les leads, dans la transparence et l’interopérabilité
Aujourd’hui, tout le monde ne souhaite pas décider de tout. Manque de compétences, d’intérêt, de temps pour prendre connaissance des sujets. Autant de raisons qui nous amènent à abandonner l’horizontalité totale et à déléguer les sujets à des « coordonnateurs stratèges » qui élaborent des stratégies, coordonnent les forces vives pour y parvenir, suivent les dossiers, se posent comme garants du bon fonctionnement de leur domaine. Administratif, accueil, gestion des communs, gestion des dynamiques humaines, communication, chantiers… Tous ces domaines nécessitent d’être sur le pont et nous ne pouvons pas tous y être. C’est donc une gouvernance par leads qui se dessine à Brangoulo. Les leads sont aujourd’hui coordonnés par le gérant qui est aussi la Source du projet. Il porte le cap, cadre le projet, s’assure de la cohérence des approches stratégiques que les leads mettent en place, tout ça dans la plus grande transparence. Des réunions entre leads permettent d’ajuster l’affectation d’energie (temps, argent, expertise) en fonction des priorités à venir ou des imprévus.
Les leads gèrent le projet. Seuls les résidents peuvent être lead. Si nous n’avons pas les ressources internes pour effectuer certaines tâches, nous les sous-traitons et devons, par conséquent, trouver des modes de financement pour cette sous-traitance.
Source : n.f.; Terme emprunté au concept développé par Peter Koenig sur les personnes initiant des projets originaux et en incarnant la vision, le cap. La source est la première personne (il n’y en a qu’une selon Koenig) à franchir le pas, à prendre le risque d’initier un projet. Il fait naturellement autorité, définit les limites, le cadre du projet. Les sources secondaires mettent leur créativité au service de grands axes du projet dans le respect du cadre du projet (à Brangoulo nous les appelons les leads).
Lead : n.m.; anglicisme. Terme emprunté au vocabulaire de l’Holacratie qui désigne une personne qui met sa créativité au service d’un domaine de compétence du projet (communication, administratif, système restauratif, etc.). Elle élabore les stratégies, liste les taches nécessaires à l’accomplissement de sa mission, s’assure que chacune de ses composantes est dotée selon ses besoins et les énergies disponibles (temps, argent).
Notre ancien modèle : des associés égaux et leur gérant.
Notre nouveau modèle : des associés inégaux sans réel pouvoir, un cercle de Leads et une personne « Source ».
Concrètement, un tableau des leads liste toutes les tâches récurrentes pour faire fonctionner Brangoulo. De la comptabilité au ménage, en passant par l’entretien des espaces verts, la communication, la production alimentaire, la gestion de l’eau et de l’énergie. Le lead élabore la stratégie nécessaire pour mener à bien sa mission (ou sa « redevabilité »), quantifie ses besoins humains et matériels, s’assure que chaque tâche est bien appropriée par un responsable sur site, quelqu’un qui se porte garant de la bonne exécution de sa tâche. On affiche dans ce tableau l’ensemble des tâches, le temps qui leur est nécessaire, on y insère des liens, on fait des « fiches process » de sorte qu’un responsable puisse confier sa tâche à quelqu’un et que ce dernier puisse avoir tous les outils et informations nécessaires pour le faire. On peut ainsi quantifier les contributions de chacun, s’assurer que cette distribution est « OK » même si elle est inégalitaire, redistribuer des tâches lors de l’absence ou l‘incapacité de chacun d’entre nous.
Le Tableau des Leads rassemble les tâches récurrentes rattachées à chaque domaine. C’est un tableur hébergé sur notre NAS (disque réseau) et consultable par tous les usagers de Brangoulo.
Gestion des energies et priorisation des taches récurrentes
Les énergies disponibles à Brangoulo ne sont pas infinies. A ce jour les résidents sont engagés à contribuer à l’entretien général de Brangoulo à hauteur d’un minimum de 15h/mois. Cette quantification a été faite à la louche et s’avère insuffisante. Nous avons donc objectivé les besoins du projet en quantifiant le temps annuel nécessaire à chaque tache. Il a ensuite fallu prioriser ces tâches :
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- Intégrité physique : humains et autres animaux ne sont pas physiquement en danger ;
- Pérennité administrative : les structures juridiques ne sont pas menacées (obligations légales remplies pour les structures qui portent le projet) ;
- Pérennité matérielle : les biens matériels ne sont pas menacés, ex : bâtiments stabilisés, outils entretenus ;
- Confort : le niveau de confort des usagers est amélioré ;
- Plaisir : tâches récurrentes plaisantes et d’intérêt collectif.
On peut ainsi ajuster son engagement en conscience de ce que cette énergie permettra d’accomplir dans le projet, et surtout consacrer son « temps collectif » au plus prioritaire pour le projet. En dehors de ce temps, chacun peut évidemment vaquer à n’importe quelle occupation, utile ou non au projet.
Nous travaillons encore sur la question des besoins de développement du projet qui sont fluctuants et discutables : « Quel rythme de développement souhaitons-nous / pouvons-nous donner au projet ?« . Question qui a toujours fait débat à Brangoulo face aux différences d’investissement dans le projet, et qui questionne nos attentes vis-à-vis de Brangoulo.
Le tableau de bord du Tableau des Leads : on y somme les besoins par niveau de priorité, on affiche la répartition des taches par personne.
Le tableau des leads et son tableau de bord nous permettent de :
- Assurer une totale transparence de notre structuration et des rôles des uns et des autres ;
- Objectiver les besoins du projet : quantification et hiérarchisation ;
- Objectiver et valoriser les contributions de chacun ;
- Permettre une inter-opérabilité dans les tâches et donc une grande résilience dans notre organisation (laquelle, rappelons-le, inclut notre capacité de subsistance : énergie, eau, alimentation) ;
- Permettre une agilité dans la distribution des énergies au service du projet, notamment en cas d’absence de certains, de départ, d’incapacité.
Le pouvoir de décision est donné à ceux qui prennent des responsabilités dans le projet, à ceux qui mettent leur créativité au service du projet. Dans les faits ce sont souvent ceux qui « font ». Nous passons de l’horizontalisme à la responsabilisation.
Félicitations pour cette présentation de votre expérience
Merci pour cette présentation transparente de l’évolution de votre gouvernance ! c’est très intéressant !
Je fais une recherche sur l’habitat participatif et les tiers-lieux. Mon sujet pourrait être « peut-on habiter un tiers-lieux ? ». Pourrait-on discuter un peu ? Merci d’avance, desmiselodie@hotmail.com
J’aime
Le chemin a été long pour arriver là… et il est loin d’être terminé 😁